Les années inexpérimentales
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6. Les heureux élus des Partenariats Public-Privé

mercredi 7 mai 2014, par Alice Romainville

Citydev collabore régulièrement avec des partenaires privés pour mener à bien ses opérations. Petit tour du propriétaire de ces partenariats et de leurs retombées sur le marché privé.

Il n’a pas toujours été facile, pour Citydev (ex-SDRB), de convaincre des partenaires privés de s’engager dans ses projets de logements, surtout dans des quartiers considérés comme “difficiles” (entendez “pas assez rentables”) par les promoteurs immobiliers [1]. Mais ces dernières années, les candidats se pressent au portillon. Il faut dire que, pour les promoteurs qui ont les moyens financiers nécessaires, les conditions sont épatantes : non seulement le subside régional assure la rentabilité de l’opération, mais vu la longue liste de candidats-acquéreurs chez Citydev, la clientèle est assurée sans aucun frais de publicité. Cerise sur le gâteau, la TVA sur les logements de Citydev est récemment passée à 6 % au lieu du tarif habituel de 21 % pour les logements neufs – un bonus fiscal concédé par l’État à un petit groupe de sociétés qui n’ont pourtant pas besoin de cela pour engranger des profits tout à fait réjouissants.

Car sur les grands projets de Citydev, c’est finalement un club assez restreint d’entreprises qui sont choisies pour profiter des largesses de la Région. Les partenaires récurrents sont des filiales de grandes multinationales du bâtiment : on retrouve le groupe CFE – Vinci sur une dizaine de projets ; le groupe EIFFAGE (entre autres sur le récent projet « Matériaux » à Anderlecht) et la Compagnie Immobilière de Belgique, tous deux liés à SUEZ ; BESIX est également un partenaire fréquent (sur « Jette-Village » et les « Terrasses de l’Écluse », entre autres), ainsi que le groupe néerlandais BAM (notamment sur le nouveau projet « Bara-De Lijn » à Anderlecht). Pour ces entreprises, les partenariats avec la SDRB sont d’autant plus intéressants que les travaux sont généralement réalisés par une des filiales du groupe : le partenaire privé joue à la fois le rôle du promoteur immobilier et de l’entrepreneur.

Les banques ne sont pas absentes de ce juteux business. La branche immobilière de FORTIS était partenaire sur le projet de la Vieille Halle aux Blés (Bruxelles-Ville), et DEXIA sur le projet « Bervoets » notamment. L’actionnariat des grands groupes de construction compte aussi de nombreux groupes bancaires et autres investisseurs institutionnels. La plupart de ces groupes sont cotés en bourse – d’où des exigences accrues de rentabilité.

Ces grands groupes sont très actifs, par ailleurs, sur le marché du logement bruxellois. Ils profitent d’ailleurs souvent d’une opération subsidiée pour réaliser un projet entièrement privé juste à côté. Ainsi, dans le cadre de l’opération des Jardins de la Couronne (site de l’ancien Hôpital Militaire à Ixelles), les promoteurs BPI (groupe CFE - Vinci) et Immomills (groupe CIB) ont réalisé 422 logements subsidiés et conventionnés mais également, à deux pas et un an plus tard, 260 logements vendus à « prix libre » et 31000 m² de bureaux. En 2000, un consortium associant EIFFAGE, la CIB, le groupe CFE-Vinci et DEXIA profitait des subventions publiques dans le cadre du projet Linden (45 logements conventionnés et 3 commerces), près de la place Jourdan ; quelques années plus tard, le même consortium réalisait un gros projet de logements à deux pas de là, au bout de la rue du Sceptre. Même topo pour le groupe CFE au quartier midi, qui investit en parallèle dans un projet subsidié par Citydev (« Midi-Suède ») et dans des projets privés, rue de Russie notamment.

Le financement public n’assure pas seulement la rentabilité de la production de logements conventionnés pour les classes moyennes mais aussi, indirectement, celle des logements à « prix libre » (plus chers), des commerces, des bureaux. Dans les quartiers visés, les pouvoirs publics investissent massivement (y compris en rénovant l’espace public, en installant des équipements, etc.) et permettent ainsi à quelques entreprises d’être en première ligne pour profiter des plus-values générées. Tandis que la rentabilité est assurée pour les promoteurs-partenaires, rien n’est mis en place pour éviter que cet investissement public, financé par la collectivité et approprié par quelques-uns, ne se traduise par des hausses de loyer pour le reste des habitants. Que ce soit du côté de ses partenaires comme de ses clients acquéreurs, Citydev est décidément une institution qui place l’intérêt particulier avant l’intérêt collectif.

Notes

[1] Cf intervention de Charles Picqué au parlement bruxellois au sujet du projet Jorez à Anderlecht : « le quartier étant particulièrement difficile et défavorisé, le partenaire privé souhaitait obtenir des garanties sur l’aménagement des abords du projet et notamment de la placette qui lui fait front ».

1 Message

  • Les heureux élus des Partenariats Public-Privé 14 mai 2014 19:35, par Sophie Deboucq

    Dans la note de bas de page, il manque un accent au E de partenaire privé.
    Sinon, très bon article sur le fond. Beaucoup d’exemples qui permettent d’illustrer des propos qui peuvent être peu compréhensible parfois. Très lisible d’ailleurs !
    Chouette boulot de rédaction et de recherche !

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