Je suis dans un logement social depuis environ cinq ans et ça fait presque trois ans que j’attends un logement adapté à mon handicap. Pour l’obtenir, je me suis inscrit au Foyer Bruxellois, une assistante sociale est venue me voir et la procédure a été lancée. Je devais déménager le 25 mai, au début je croyais qu’il s’agissait d’un retard dans l’exécution des travaux mais je me suis rendu compte que ce n’est pas le Foyer Bruxellois qui est maître d’œuvre mais la Ville de Bruxelles. Finalement, on me dit que l’appartement n’existe pas du tout ! On en reconstruit de nouveaux et toujours pas d’appartements adaptés, on trouve ça tout à fait logique de bâtir en ne respectant pas la loi. J’aimerais bien savoir où passent ces subsides pour les logements adaptés aux PMR. Au Foyer Bruxellois, sur 3.800 logements, seulement huit sont adaptés, alors que la ministre Céline Fremault a déclaré au parlement que 5 % des logements sociaux sont destinés aux PMR. Ça veut donc dire qu’il en manque 182 ! On demande aux citoyens de respecter les lois alors que les pouvoirs publics ne les respectent pas.
Voyant que mon dossier n’avançait pas, je me suis rendu à la direction du Foyer Bruxellois pour voir ce qu’il se passait. Et là, j’ai pris un coup de gueule : la direction ne veut plus me parler parce que je réclame avec détermination mon droit à un appartement adapté à mon handicap. Et ça, ça ne plaît pas au directeur. J’ai alors appelé le cabinet de la ministre Fremault en charge à la fois du logement et des personnes handicapées. Je leur ai dit que si je n’obtenais pas un rendez-vous dans les quinze jours, je viendrai camper devant chez eux et j’avertirai les médias. Vous imaginez le scandale : un paraplégique qui n’obtient pas un appartement adapté et la ministre refuse de l’écouter ? Vingt minutes plus tard, ils proposent de m’intercaler entre deux réunions. J’ai rencontré le responsable du logement bruxellois, le chef de cabinet, la secrétaire et l’assistante sociale du cabinet. Ils ont présenté leurs excuses, que je n’ai pas acceptées, parce que j’ai déjà reçu des milliers d’excuses, maintenant je veux du concret. À la fin, ils ont dit qu’ils allaient interpeller le bourgmestre. Je suis curieux de voir la suite. Quand j’étais SDF, on m’avait promis un logement que je n’ai jamais eu… Je leur donne une semaine pour réagir, sinon j’alerte la presse et j’irais camper là-bas jusqu’à ce que j’obtienne quelque chose. Après mon opération, je ne pourrai plus rentrer dans mon appartement actuel. De la sorte, je ne peux pas fixer la date de l’intervention que je ne cesse de reporter tant que je n’ai pas de logement adapté à mon handicap.
Ça fait deux ans et demi que je suis dans cette situation et au fur et à mesure, je me suis rendu compte que je ne n’étais pas le seul handicapé à subir les mêmes lenteurs insupportables. Si tu n’as pas une salle de bain adaptée, comment tu fais ? Ce sont des besoins de tous les jours. Il vous faut en permanence une infirmière et pour quelques services, elles doivent être deux, ce qui est impossible dans cet appartement. C’est des problèmes qui sont peu visibles, les personnes concernées ne se prononcent pas souvent publiquement et développent une forme de peur de perdre l’appartement qu’elles ont même s’il n’est pas adapté. Moi je m’en fous d’être à la rue, là au moins tout est à ma hauteur. J’en ai ras-le-bol.
On m’avait proposé un logement adapté à Haren. Il était splendide mais le problème, c’est qu’il faut une heure et demie pour arriver à Saint-Pierre où je consulte un kiné spécialisé pour les paraplégiques trois fois par semaine. Il me faut un logement proche ou du moins permettant des trajets en transport en commun pas trop longs. De plus, j’ai ardemment tissé des liens dans les Marolles. L’autre jour, les jeunes ont remarqué que j’étais fatigué, ils m’ont poussé jusque devant chez moi, je ne suis pas sûr de pouvoir reconstruire cela dans un autre quartier comme Haren... Pour moi, cette proposition c’est une voie de garage, une cité d’handicapés. Ici, j’ai les transports en commun, l’hôpital, le magasin et la gare du Midi tout proche. Tout est devenu facile pour moi et surtout de plus en plus agréable. C’est mon quartier ici, c’est vivant, ça me permet de me connecter au monde.