Les années inexpérimentales
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Encadré Heyvaert

Heyvaert et le Ro-Ro : les deux faces d’une seule et même pièce

mercredi 3 février 2016, par Claire Scohier

L’un des projets phares du Port de Bruxelles en termes de transport de marchandises est le projet Ro-Ro. Kesako ? Ro-Ro veut dire Roll-on Roll-off pour le chargement/déchargement de véhicules neufs ou d’occasion sur des barges en vue de leur transport par voie d’eau. Le Port de Bruxelles soutenu, en cela par la Région, a décidé de créer une plate-forme de transbordement à cette fin dans le Nord de Bruxelles (voir carte p. …). L’appel d’offre précise que le site propose une superficie du terrain utile de 23.628 m².

Les voitures ciblées par le projet sont les voitures d’occasion, actuellement concentrées dans le quartier Heyvaert à Anderlecht, au nord-est des abattoirs. Les six gros propriétaires du quartier exerçant le commerce de véhicule d’occasion occupe à l’heure actuelle près de 200.000 m². Concrètement, le projet Ro Ro permettra le transport des véhicules d’occasion par bateau vers Anvers, où ils seront ensuite acheminés vers l’Afrique. Ce commerce représente environ 120.000 voitures par an, actuellement transportées par la route, soit 15 000 camions « porte-huit », du quartier Heyvaert jusqu’au port d’Anvers, soit près de 60 camions par jour. C’est pourquoi l’appel d’offre qui s’est clôturé en août 2015 prévoyait que le concessionnaire devait accepter sur son terrain plusieurs opérateurs de façon à pouvoir accueillir plusieurs commerçants de véhicules d’occasion. C’est également pour cette raison que l’appel stipule que les obligations d’un candidat sont applicables à l’ensemble des membres du groupement afin de viser un groupement de garagistes du quartier Heyvaert.

Il s’agit donc en réalité d’un projet à double face, d’un côté un projet de transport de marchandises situé au nord de la région, de l’autre un projet immobilier dans le quartier Heyvaert. En effet, tant les communes d’Anderlecht et Molenbeek que la Région souhaiteraient délester le quartier du commerce de véhicules d’occasion, pourtant implanté là de longue dates [1], et ce, dans l’objectif de donner au quartier un visage plus attractif en remplaçant, du moins pour partie, les espaces de garage par des logements.

Sur un plan environnemental, le transport de véhicule d’occasion par barge est pleinement défendable mais cette option doit-elle occulter dans le même temps la question sociale relative au devenir du quartier Heyvaert dont l’équilibre historique repose sur la présence d’activités productives offrant une main d’œuvre pour les peu qualifiés ? Au départ, circonspects sur ce projet de déménagement de leur activité principale, les commerçants de voitures, propriétaires majoritaires des terrains de la rue Heyvaert, se sont familiarisés avec l’idée de se convertir en promoteurs immobiliers. Le risque est bien réel que les désirs croisés d’attractivité et de rentabilité des communes et des propriétaires actuels viennent chambouler ce quartier populaire où habitat, activité économique et commerce cohabitent au bénéfice d’une population précaire. Il appartient à la Région d’intervenir pour préserver cet équilibre fragile et précieux. Sachant que la totalité de l’activité ne pourra être déplacée sur le nouveau site Ro Ro, il s’agirait de réfléchir à la valorisation de l’activité de garage non délocalisable en lien avec des commerces et logements adaptés au profil des habitants actuels du quartier.

Notes

[1] Voir dans le Bruxelles en Mouvements n° 276, l’article de M. Rosenfeld et M. Van Criekingen « D’où vient et où va le quartier des voitures ? » ainsi que notre étude « Heyvaert : commerce de voitures et vie de quartier. Une alliance complexe à repenser plutôt qu’à balayer » : http://www.ieb.be/Heyvaert-vers-une....

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