Le code bruxellois de l’aménagement du territoire subit sa 19e réforme depuis sa création en 2004. Sous couvert d’une volonté affichée de simplification des procédures, le texte est profondément remanié dans quasi tout ses aspects. Le lecteur attentif remarquera une constante dans les intentions : à part un allongement de la période d’enquête publique en matière de permis d’urbanisme qui passe à 30 jours — ce n’est cependant que le résultat d’une transposition d’une directive européenne —, le gouvernement a très clairement décidé de faciliter la vie des promoteurs privés comme publics.
Impossible d’énumérer tous les aspects de la réforme imaginée par le gouvernement, nous en épinglerons deux particulièrement exemplatifs des intentions de l’Exécutif.
Si le projet est voté, les schémas directeurs pourront désormais avoir une valeur légale contraignante, tout en dérogeant aux plans supérieurs comme le Plan Régional de Développement Durable ou le Plan Régional d’Affectation du Sol, et ceci à la discrétion exclusive du gouvernement. Pire, le gouvernement pourra même décider de supprimer une éventuelle étude rapport d’incidences s’il considère qu’elle il n’est pas nécessaire, pour autant qu’il reçoive l’approbation de l’administration régionale (par définition à ses ordres) et de la Commission Régionale de Développement (CRD), elle-même soumise à une réforme qui l’assujettira davantage aux désirs de l’Exécutif.
Jusqu’ici en effet, la Commission Régionale de Développement est un conseil d’avis composé diversement de représentants de la société civile organisée. Il est en charge de donner son avis sur tout texte, réforme ou plan ayant une incidence notable sur le développement de la Région. Mais, sous prétexte qu’elle est déjà présente dans d’autres conseils d’avis (qui n’ont pourtant pas le même objet, aussi large et transversal), la société civile organisée n’y serait dorénavant plus représentée. Exit donc les débats pluralistes de la CRD sur le futur projet de Ville (le dernier PRD date de 2002) ainsi que sur toutes les propositions futures de l’exécutif en matière de plannification du territoire ! Cette "simplification" consisterait alors surtout à réduire les possibilités des citoyens bruxellois à prendre part à l’élaboration du projet urbain !
Avec cette nouvelle réforme, le gouvernement et singulièrement le Ministre-Président, exerçant sa tutelle sur l’aménagement du territoire mais aussi sur le bureau bruxellois de planification et sur la société d’aménagement urbain, mène à bien son projet de concentrer à l’extrême son pouvoir au détriment du Parlement, des administrations, de la société civile organisée et de ses habitants, sans même devoir proposer un projet pour la Région. Cette réforme démontre le peu de cas que fait le gouvernement de cette nécessité pourtant admise par tous les défenseurs de la démocratie de créer les conditions d’un dialogue sur l’avenir de la Région avec les habitants. Le gouvernement se contente du business as usual : « par votre vote, vous nous avez donné votre confiance, merci et rendez-vous dans 5 ans ! », au risque, de creuser encore plus le fossé qui le sépare de la vie (ou l’avis) de ses électeurs.