ENCADRE PAGE 2
ILLUSTRATION = couverture du Cahier
« Le transport de marchandises et la logistique à Bruxelles : état des lieux et perspectives », par Mathieu Strale, Philippe Lebeau, Benjamin Wayens, Michel Hubert et Cathy Macharis. 4ème Cahier de l’Observatoire de la mobilité de la Région de Bruxelles-Capitale, édité par Bruxelles-Mobilité. Outils de référence de l’analyse de la mobilité à Bruxelles, les Cahiers de l’Observatoire de la mobilité sont le fruit de collaborations entre chercheurs de l’Université Saint-Louis - Bruxelles, de la VUB et de l’ULB, avec l’appui et le soutien de Bruxelles-Mobilité. Ce 4ème Cahier offre une synthèse complète et compréhensive de la problématique du transport de marchandises, dans tous ses aspects : économiques, politiques, sociaux, géographiques et environnementaux. L’introduction de ce dossier de Bruxelles en mouvements se réfère et s’inspire directement de cette analyse scientifique, que nous avons tenté de résumer et de vulgariser. Nous renvoyons donc le lecteur intéressé par la précision et l’analyse complète à la lecture de ce 4ème Cahier de l’Observatoire de la mobilité qui peut-être commandé gratuitement auprès de Bruxelles-Mobilité ou téléchargé sur Internet.
ENCADRE SCHAERBEEK-FORMATION
Schaerbeek-Formation : premier pôle logistique
Cette immense réserve foncière de 45ha est située sur le territoire de Bruxelles-Ville, au Nord de la Région . Elle est recouverte de rails, longée par le canal, à proximité immédiate de l’aéroport et bordée par le Ring et l’avenue de Vilvorde : on ne peut pas rêver meilleure accessibilité. Cette zone s’impose donc pour accueillir un centre logistique multimodal d’envergure. Un schéma Directeur, approuvé en 2013, valide cette option en confirmant l’implantation d’une plate-forme logistique et le déménagement des deux principaux marché de gros : le Marché Matinal et le Centre Européen de Fruits et Légumes. Ces trois éléments devraient intégrer un pôle logistique plus vaste lié à l’activité portuaire. L’option « pôle logistique » est la dernière en date pour Schaerbeek-Formation. Souvenons-nous toutefois que cette réserve foncière a déjà suscité bien des fantasmes. On a y projeté successivement, et parfois simultanément : un stade de foot, une « infrastructure événementielle », un musée d’art contemporain, un centre commercial, et évidemment des logements. Dans tous les cas, il faudra attendre 2020 pour que la SNCB en perde la concession et patienter bien plus longtemps pour assainir le site, affreusement pollué.
ENCADRE MODES DOUX
Voltigeurs et coursiers
Pendant des décennies, le modèle de mobilité belge et bruxellois a été façonné autour de la route et de l’automobile. Ce système est aujourd’hui dans une impasse : tout est bouché. Si les embouteillages sont désagréables pour tout le monde, ils sont dramatiques pour les entreprises de livraison qui voient leur activité et leur rentabilité mises en péril. Il existe pourtant plusieurs types de solutions qui pourraient inverser la tendance.
Espaces de livraison de proximité
Aujourd’hui, chaque chauffeur-livreur tente de s’approcher au maximum du commerce qu’il doit desservir et chaque commerce réceptionne sa propre marchandise. Demain, cette logique pourrait changer grâce aux Espaces de livraison de proximité (ELP). Un ELP est une aire de livraison protégée qui est contrôlée et gérée par un employé à demeure. Cet employé est nommé « voltigeur » et sa fonction est de réceptionner les marchandises pour plusieurs commerces de la zone et d’y effectuer la livraison terminale. Les camions et camionnettes ne s’arrêtent donc plus qu’à une place de livraison unique, et seulement pendant le laps de temps nécessaire au déchargement. Ensuite, c’est le voltigeur qui assure le transport final des colis vers les commerces (à l’aide d’un diable ou d’un transpalette). Les ELP pourraient être instaurés dans tous les quartiers commerçants et sont particulièrement utiles dans les zones piétonnes. La logistique serait optimale si, en renforcement de ce système, les colis transitaient au préalable passés par un Centre de Distribution Urbain (voir l’article en page 2) qui groupait les marchandises et cadençait les trajets.
Livraisons à vélos
Depuis quelques années, les cyclistes de « courrier express » ont été rejoints par d’autres types de livreurs. Certains coursiers, au guidon de vélo-cargos ou de tricycles, sont capables de transporter des colis et de de lourdes charges : des déménagements entiers ont été effectués de la sorte. Dernièrement, on observe une recrudescence de cyclistes affublés d’immenses sacs à dos renfermant des repas chauds. Et ce n’est probablement pas fini : selon le projet européen Cycle Logistics, 50 % des biens légers pourraient être livrés à vélo en ville, soit 1/4 des livraisons totales. Le recours à des coursiers à vélos offre des avantages aux entreprises : ils sont flexibles, rapides et leurs temps de trajets sont réguliers. Du point de vue de l’environnement, les bicyclettes paraissent très positives : moins de bouchons et pas de pollution (même si les vélos électriques ne sont pas des « véhicules propres »). Économiquement, ces emplois peu qualifiés et non-délocalisables paraissent également désirables. Attention toutefois à deux dérives inquiétantes. Premièrement, certaines grandes entreprises de livraison - dont la camionnette reste l’outil fétiche - possèdent une flotte très réduite de vélos qu’ils n’utilisent que comme argument marketing. Ce faisant, elles pratiquent des prix dérisoires qui anéantissent la concurrence de nouvelles et petites sociétés de livraison cycliste. Deuxièmement, on peut déjà assister à une tendance à « l’uberisation » de certains de ces nouveaux emplois. Payés à la commission, sans temps de travail garanti, sans salaire minimum et sans protection sociale, ces coursiers ne sont reliés à leur emploi que par une application pour smartphone. Ces nouveaux travailleurs pauvres sont généralement des chômeurs, des étudiants, des retraités et des bas salaires, c’est-à-dire des personnes suffisamment aux abois pour accepter ces conditions de travail iniques. Les entreprises concurrentes, respectueuses des lois sociales, ne luttent pas à armes égales. Certes, ces services de livraisons ne sont pas chers pour les consommateurs mais ils entraînent la précarisation de la société dans son ensemble.