Les années inexpérimentales

Revue d’ailleurs

mercredi 12 août 2015, par Samy Hadji

Comment Londres se débarrasse des pauvres

Sous les termes du "Right to Buy", "le droit d’acheter" son logement, environ deux millions de logements sociaux ont été bradés au Royaume-Uni au secteur privé depuis 1980. Trente ans plus tard, les Britanniques en paient encore le prix. Cinq millions de famille languissent sur des listes d’attente pour décrocher une HLM. Rien qu’à Londres, elles sont environ 250.000. Les municipalités forcent les locataires à déménager en province ou en périphérie, au prétexte qu’il n’y a pas assez de place. En avril dernier, le quotidien The Independent révélait qu’environ 50.000 familles ont ainsi été déplacées depuis 2011, dont 2.700 en dehors de Londres ces deux dernières années. Même la municipalité conservatrice de Westminster, l’une des plus riches de la capitale, a signalé que ses résidents de classe moyenne " ne pourront plus se permettre d’y vivre, ou seront perpétuellement dépendant d’aides au logement." Selon ses calculs, un ménage devrait gagner environ 100.000£ (138.000 €) par an pour s’y offrir un appartement " abordable". Devrait-on dès lors s’étonner qu’environ 60.000 jeunes ont fait leurs bagages pour la province ces deux dernières années ? "Je suis en faveur des riches." Voilà ce que le maire de Londres déclarait courageusement à la BBC quelques semaines avant les élections législatives de mai dernier. Mais la résistance s’organise, notamment avec la campagne "Focus E15", après l’expulsion de jeunes mères célibataires de leurs logements sociaux. A elles seules, elles sont parvenues à attirer l’attention de la presse nationale sur les pratiques, pour le moins brutales, de certaines municipalités.

Moins de 10.000 habitants : adieu panneaux publicitaires !

Les Grenelles de l’environnement ont surtout accouché de souris mais certaines font plaisir comme l’entrée en vigueur ce lundi 13 juillet d’une loi interdisant les panneaux publicitaires dans les communes de moins de 10.000 habitants. Qui dit mieux ? A quand la même mesure dans les grandes entités urbaines ? Certains ont donné le « la » comme la ville de Grenoble.

Un tribunal des peuples contre les grands projets inutiles

«  Chauffe la lutte, pas le climat  ! » C’est le mot d’ordre du rassemblement estival organisé à Notre-Dame-des-Landes (NDDL) en juillet dernier par la coordination des opposants au projet d’aéroport. 15 000 personnes se sont pressées sur le site, pour des débats, forums et tables rondes. Après les opposants à un projet de méga-scierie dans le Morvan en 2013, puis les opposants au projet de la ferme des 1000 vaches en 2014, c’est le collectif de lutte « Pour les Chambaran sans Center Parc » qui était à l’honneur cette année. L’autre invité d’honneur était Gianni Tognoni, secrétaire général du Tribunal permanent des peuples, devant lequel une plainte a été déposée en décembre 2014 par la coordination des opposants à l’aéroport de NDDL. Le TPP est un tribunal d’opinion qui s’inspire du tribunal Russel, fondé en 1966 par Jean-Paul Sartre pour juger les crimes de guerre des États-Unis au Vietnam. Le TPP n’émet aucune sentence contraignante mais une condamnation morale. Après des investigations conséquentes sur le terrain, le TPP se prononcera en décembre 2015.

Ce qui est certain c’est qu’en ces années ce disette démocratique, les initiatives populaires se multiplient pour sonner l’hallali contre les grands projets inutiles. Ce faisant elles mettent en exergue une nouvelle forme d’écologie des pratiques collectives où les activistes développent une expertise qui fragilise les processus de légitimation des institutions qui croient pouvoir avancer sans écouter le peuple. Ils opposent un monde de proximité à un monde de mégalo-pole.

Loger dans une banque !

En Espagne, face à la crise, des familles se regroupent et forment des corralas pour s’installer dans des bâtiments appartenant à des banques et assurances. «  Nous voulons que les institutions publiques exproprient les banques qui se sont dédiées à la spéculation immobilière depuis des années, et que ces habitations soient transformées en logements sociaux. Nous revendiquons un véritable logement social, ce qui signifie que chaque personne puisse payer ce qu’elle peut payer », explique José. Selon la Plateforme des victimes d’hypothèques, près de 70 000 bâtiments sont vides à Malaga. Ce sont souvent des promoteurs qui ont fait faillite après le début de la crise.

Les compensations écologiques c’est du pipeau !

En France, l’Assemblée Nationale débat d’un projet de loi sur la biodiversité qui prévoit d’instituer obligations de « compensation écologique ». En d’autres termes la possibilité de remplacer un coin de nature détruit par un bout de nature à un autre endroit. En résumé, un promoteur pourra lui-même réaliser des actions de compensations écologiques sur son terrain ou faire appel à une banque qui finance une « réserve d’actif naturel ». Sous des dehors écologiques, ce projet ouvre la voie à la privatisation de la protection de la nature par la création des banques de biodiversité. C’est-à-dire que des opérateurs privés donnent des débits quand une ressource naturelle est détruite ou dégradée et donnent des crédits quand la situation environnementale est préservée ou améliorée. C’est oublier qu’il est impossible de « compenser » un milieu naturel constitué au fil des siècles voire des millénaires.

Un tribunal néerlandais impose à l’Etat d’agir contre le changement climatique.

C’est une première mondiale, le tribunal de La Haye aux Pays-Bas a rendu un jugement le 24 juin 2015 qui condamne l’État néerlandais à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Neuf cents co-plaignants et l’organisation non gouvernementale Urgenda avaient demandé à la justice de qualifier de « violation des droits humains » un réchauffement climatique supérieur à 2°C avant la fin du siècle. «  Le gouvernement sera maintenant obligé de changer ses politiques, étant donné que les juges ont ordonné une baisse des émissions de CO2 d’ici 2020 de 25 % par rapport au niveau de 1990. » ont déclaré les parties lors de l’audience.

Pour rappel, du 30 novembre au 15 décembre 2015 aura lieu la conférence des Nations Unies sur le changement climatique « Cop 21 » à Paris. En Belgique, une action similaire est prévue par quelques 9.000 co-requérants affiliés à l’ASBL Klimaatzaak. Ceux-ci ont envoyé un texte de mise en demeure aux quatre gouvernements en charge de l’environnement (fédérale et entités fédérées) afin d’obtenir des engagements politiques pour réduire la production d’émission de CO2. L’étape suivante est l’assignation en justice.

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