Historiquement, le quartier était un quartier d’artisans et de petites industries entretenant des liens étroits avec les différentes écoles professionnelles, comme les Arts et Métiers, ainsi qu’avec les abattoirs. Mais la désindustrialisation a particulièrement frappé Cureghem et de nombreux petits entrepreneurs ont quitté le quartier, pour s’installer sur des terrains moins onéreux à la périphérie, laissant juste la trace de belles enseignes peintes en façade. Mais tous ne sont pas partis. Qu’on pense à la miroiterie Van de Plas sur la chaussée de Mons ou encore à Jean Wauter Aciers spéciaux dans la rue de Liverpool.
Quelques grandes entreprises sont encore présentes à proximité (Leonidas, Philips, SNCB, Belgacom,…) mais offrent principalement des emplois hautement qualifiés et donc peu à la portée des habitants du quartier. De fait, plus d’un cinquième de la population ne possède qu’un diplôme de l’enseignement primaire. Travailler sur l’amélioration de la formation pour répondre à la demande en emplois qualifiés n’est pas dénué de sens mais les études récentes démontrent qu’au niveau bruxellois, l’amélioration des niveaux moyens de formation ne se traduit pas par une baisse du chômage car à niveau de formation égale, les personnes habitants les quartiers centraux ont moins de chance de décrocher un emploi. Il s’agit d’adapter l’offre d’emplois à la demande en prenant en considération les singularités du quartier.
On trouve à Cureghem une dizaine d’Initiatives Locales de Développement de l’Emploi (ILDE) ayant pour objectif l’insertion socioprofessionnelle des demandeurs d’emploi difficiles à placer. Par ailleurs, le quartier est loin de manquer de débouchés. Il offre certaines opportunités dans le secteur de la construction, de la réparation de biens, des véhicules, du nettoyage, de la confection ou de l’alimentation. Le tertiaire, avec ses services aux entreprises et plus particulièrement le nettoyage, représente une part importante d’emplois accessibles. Il n’y a pas moins de 19 entreprises de nettoyage à Cureghem. Ces entreprises travaillent souvent en sous-traitance et sont à la recherche d’une main-d’œuvre faiblement qualifiée, encourageant ainsi une économie de proximité même si le travail au noir n’y est pas absent. En 1995, les sources officielles chiffraient à 2 166 le nombre d’emplois dans les entreprises, bureaux et commerces localisés à Cureghem, les secteurs du textile (415) et des voitures (189) représentent 28% des emplois disponibles [1].
Trois secteurs tiennent le haut du pavé dans l’économie cureghemoise et remplissent une fonction qui dépasse de loin les limites du quartier en rayonnant de bas en haut : le secteur de la viande autour des abattoirs et les marchés du samedi et du dimanche [2], le textile concentré dans le quartier du Triangle avec ses ateliers de confection et ses grossistes, et le secteur du commerce de voitures de seconde main à la Rosée et le long de la rue Heyvaert [3].
L’accessibilité du quartier par sa position centrale permet d’atteindre une large clientèle, tandis que les fortes densités de population, concentrent des demandes ethniques précises, donnant quelques chances à l’entreprenariat ethnique, aux pépinières d’entreprises visant l’industrie légère urbaine et certains services urbains [4].
On le voit, le quartier est doté d’une vitalité économique évidente qui s’ancre dans l’économie de proximité ou « l’international du bas » à l’opposé d’une économie tirée « par le haut » qui produit peu d’effets redistributifs au bénéfice des personnes les plus démunies et intègre difficilement les personnes peu qualifiées. Au vu du profil professionnel des habitants du quartier, il s’agit de solidifier l’activité existante gravitant autour du commerce alimentaire et de voitures, de promouvoir des fonctions productives et de développer le commerce local à destinations des communautés locales.
Le Centre Euclides
Le centre Euclides est le tout premier des 8 centres d’entreprises créés en Région bruxelloise. Il voit le jour sous forme de coopérative en 1994 à Cureghem dans le cadre du volet économique du DSQ (Développement social de quartier) de Cureghem et d’un partenariat entre la commune d’Anderlecht, les assurances P&V et les Abattoirs d’Anderlecht. Le nom d’« Euclide » vient à la fois d’Euclide le Socratique, qui fut philosophe, comme d’Euclide le mathématicien, fondateur de l’école de mathématique d’Alexandrie. Une façon d’allier la rigueur des sciences au sens politique de la démarche, à l’image du directeur de centre José Menendez, ingénieur agronome et philosophe de formation. D’emblée, le centre affichera sa volonté de contribuer à un remaillage social et économique autour de la Porte d’Anderlecht.
Pour partie financé par des fonds européens, Euclide est aussi le sigle d’« European Center for Local Initiatives in Development Entreprises and Services ». Initialement installée chaussée de Mons à côté des Abattoirs, le centre a déménagé en 2000 dans un ancien bâtiment industriel des années 30 situé aux n° 34-36 rue du Chimiste dans le quartier Rosée. Le bâtiment accueillait autrefois une bonneterie. Le centre vient de fêter ses 20 ans et c’est là qu’IEB a installé ses nouveaux bureaux en décembre 2014.
L’action d’Euclides s’inscrit dans les dynamiques dites de développement local et s’inspire des démarches coopératives et de l’économie sociale. Elle repose sur la convergence d’acteurs locaux comme les écoles communales, les nombreuses associations du quartier et les habitants. Euclides accueille un guichet économie locale et a mis sur pied l’Université Populaire d’Anderlecht, sorte de coopérative du savoir adaptée au quartier, sa réalité socio-économique, politique et sociale, ouverte tant aux adultes qu’aux enfants.
Le centre héberge aujourd’hui environ 40 entreprises et associations actives dans des secteurs variés : construction et rénovation, logement, graphisme, textile, multimédia, design, environnement, urbanisme, architecture, formation et insertion socioprofessionnelle.