Les années inexpérimentales
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2. Nous voulions que les habitants se bougent... pas qu’ils bougent !

dimanche 18 mai 2014, par Claire Scohier

Interview Nadine Heim, ancienne coordinatrice d’Habitat et Rénovation et fondatrice du Réseau Habitat.

Habitat et Rénovation (H&R) est né en 1988 d’un groupe de réflexion rassemblant des chercheurs, des travailleurs sociaux, des architectes, des sociologues et des urbanistes préoccupés par la qualité de l’habitat dans les quartiers défavorisés. Ils obtinrent un subside des Communautés européennes, ce qui leur permit de créer Habitat et Rénovation. S’inscrivant dans la suite des destructions des quartiers Nord et inquiets du flagrant délit d’inégalité sociale produit par la ville, ils se donnèrent comme objectif prioritaire de permettre aux habitants de se maintenir dans leur quartier. Plus qu’une force critique et oppositionnelle, ils tinrent à créer une force de proposition autour de l’idée de rénovation. Il fallait sortir de la démolition-reconstruction et impliquer les habitants dans des dispositifs de rénovation légère dans la mesure où la rénovation lourde s’accompagnait le plus souvent du départ des populations. L’implication des habitants était considérée comme centrale. Un programme d’insertion socio-professionnelle fut notamment mis sur pied où les populations à la recherche d’un logement participaient au chantier de rénovation des logements futurs qu’ils occuperaient.

Outre les projets concrets de rénovation, H&R jouait un rôle d’alerte à l’égard des habitants en les informant sur des projets à venir dans leur quartier. Les travailleurs n’hésitaient pas à battre la semelle sur les trottoirs pour rencontrer les habitants afin qu’ils se positionnent comme acteurs de la rénovation de leur quartier. Par contre, H&R ne développait pas de contre-projets ; ils agissaient dans une logique d’éducation permanente. « Nous voulions que les gens se bougent ! ».

La dynamique de conseil et d’aide à la rénovation prit corps avec le développement des Boutiques urbaines dans les quartiers. Plutôt que d’impulser ces structures par le haut, la Région proposa de partir des structures associatives existant sur le terrain comme Habitat et Rénovation, Bonnevie, le CGAM,... Pour associer les habitants au processus de rénovation urbaine la Région leur proposa de développer une expertise technique sur les questions de rénovation. C’est sur le thème de la protection des populations défavorisées et sur la rénovation des quartiers à échelle humaine que se constitua le Réseau Habitat en 1992.

Aujourd’hui, le réseau est actif dans la dynamique des contrats de quartier et tente d’amener les habitants à s’inscrire dans les CLDI (devenues COQ). Les membres poursuivent les conseils à la rénovation et l’aide à l’octroi des primes mais chacun a également ses activités spécifiques et développe des projets aidant à des dynamiques collectives dans les quartiers.

Nadine Heim regrette surtout l’incapacité des contrats de quartier à susciter une vraie dynamique d’implication des habitants. La période de diagnostic et de construction du programme (un an) est trop courte pour ce faire. Ce n’est jamais de la co-construction mais tout au plus une capacité d’avis. Certaines communes craignent encore de confier aux membres du Réseau les missions de participation car elles craignent que cela retarde les projets. Les ambitions initiales d’articuler rénovation et participation qui étaient au départ la conviction des associations n’a de ce point de vue pas été suffisamment rencontrée. « Les contrats de quartier ne sont que rarement des lieux de participation à la conception des projets. Il vaut mieux être clair à ce sujet et l’assumer ».

Elle émet aussi quelques craintes sur le fait que les contrats de quartier contribuent à une plus-value patrimoniale qui ne profite pas toujours aux habitants les plus modestes issus de ces quartiers. N’y aurait-il pas des possibilités d’impliquer plus étroitement les sociétés de logements sociaux à la rénovation des quartiers pour renforcer l’intention sociale des contrats de quartier. Au-delà de la production de logements se pose la question de l’insalubrité du locatif existant dans les périmètres concernés. Il faudrait penser pendant toute la durée des contrats de quartiers une coordination prioritaire entre les actions régionales, communales et associatives en matière de lutte contre l’insalubrité, laquelle concerne prioritairement les populations les plus modestes.

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