Le "droit à la ville" d’Henri Lefebvre a repris vigueur ces dernières années : sujet d’articles, d’ouvrages, de séminaires et autres chartes associatives, décliné tantôt par le politiques tantôt par des militants urbains. Mais qu’y a-t-il derrière ces quatre mots sonnant telle une revendication constitutionnelle ? Un droit légal ? Un droit pour tous à habiter la ville tel qu’on l’entendrait d’un droit pour tous à avoir un logement ? Ou encore un droit d’accès aux services qu’offre la ville ? Ou plutôt un droit pour tous à se réapproprier la ville ? Et si telle est l’hypothèse, qui se la réapproprie et contre qui ?
Lors d’une rencontre à Genève sur la gentrification à laquelle participait IEB en octobre 2011, le droit à la ville fut présenté comme la réponse revendicative à la dénonciation de la gentrification, comme son versant de résistance créatrice. Pour une structure comme IEB qui place la ville et ceux qui l’habitent au coeur de sa réflexion et de son action quotidiennes, affronter le droit à la ville, la multiplicité de ses facettes, les contradictions émanant de la diversité des interprétations et des usages qui en sont faits, devint peu à peu une évidence.
Nous ne savions pas à ce moment-là à quel point nous nous engagions dans une aventure périlleuse. Pour permettre une approche la plus collective possible, IEB mit sur pied en février 2012 un groupe de lecture composé d’une dizaine de personnes motivées à disséquer l’ouvrage de Lefebvre. Au fil des rencontres et des lectures, le "droit à la ville" prit corps tout en démultipliant les questions auxquelles il nous renvoyait mais aussi les passerelles possibles entre la pensée de Lefebvre et nos combats urbains d’aujourd’hui.
Les écrits qui vont suivre sont le fruit de cette réflexion vivante et collective. Ils ne sont pas univoques mais reflètent au contraire la richesse, la complexité et la dimension utopienne de la pensée lefebvrienne tout en dressant des jalons pour dépasser l’urbanisme technocratique, tétaniser l’urbanisme des promoteurs, questionner les errances du militantisme urbain et se réapproprier la question urbaine en replaçant la question sociale en son centre.