Les années inexpérimentales
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13. Voix de Bruxelles 1-2-3

jeudi 13 septembre 2012, par NicolasPrignot

Nicole Purnôde :

Le « droit à la ville », au départ un concept d’Henri Lefebvre, est un droit d’accéder à ce qui existe déjà mais aussi un droit de changer la ville selon nos désirs et nos besoins. Les dépositaires d’un droit à la ville sont les citoyens électeurs, tout résident, les usagers qui vont et qui viennent mais aussi les personnes en situation de vulnérabilité, les SDF, les femmes souvent isolées, les personnes âgées, les enfants et les jeunes, les minorités ethniques, les immigrés, les déplacés, les réfugiés, les gens du voyage,… La question est donc le droit à la ville « pour tous » et la co-production d’un lieu de vie équitable et solidaire.

Des espaces de participation ont été prévus dans des dispositifs de développement urbain mais sont des lieux que seulement certains activistes s’approprient. Les connaissances nécessaires ne sont pas équitablement distribuées. Les savoirs des groupes doivent être de forces égales pour qu’une réelle négociation puisse avoir lieu dans la co-production d’un lieu commun. Il faut donc favoriser l’apprentissage, le décodage de la ville dans toute sa complexité, le partage d’expériences par tous. Les syndicats avaient bien compris la nécessité de former les travailleurs à l’analyse de la société. A quand donc une université populaire de la cité ? Un syndicat des usagers de la ville ? Apprendre et comprendre demande du temps. Le temps n’est pas le même pour tous. Ce temps d’égalisation des savoirs n’est pas inclus dans les processus mis en place par le législateur et accentue donc cette « impuissance » du citoyen. Il faudrait reconnaître le temps nécessaire à la formation des habitants et à la préparation de leurs interventions, faciliter l’égalité d’accès à l’information concernant les dispositifs existants et le fonctionnement des institutions, reconnaître que les habitants, organisés ou non, ont leur savoir et leur compétence, qu’ils mettent en œuvre des dynamiques propres dans le champ du bien-être.

Dans le cadre des contrats de quartier, il faudrait deux années avant la mise en œuvre du déroulement du processus (étude de base, décision, etc.) systématiser des moments ou des lieux de débat avec les habitants et d’échanges pour s’écouter et pouvoir exprimer idée, proposition, solution, accord ou désaccord, instaurant plus de compréhension et de confiance et provisionner systématiquement les moyens matériels et financiers pour qu’ils puissent s’outiller pour participer aux différentes étapes du contrat de quartier. Ce temps devrait permettre de réduire les incompréhensions, et d’éviter les réponses qui peuvent se révéler inadaptées, de tenir compte du fait que les habitants peuvent avoir une perception des priorités différente de celle des partenaires professionnels et institutionnels.

Bernard Devillers : Le droit à la ville doit être un droit inaliénable, pour chacun. Toutefois, l’appropriation de « sa »ville se confronte en permanence, non seulement à celles, légitimes, des autres habitants de la cité, mais également aux agissements politiques dont les desseins finaux restent souvent opaques. Le droit à la ville est un mouvement perpétuel auquel s’accrochent nombre de ses acteurs mais qui laisse sur le carreau le plus grand nombre, inconscients de la force potentielle de leur implication si celle-ci était seulement recherchée, sans arrières-pensées. Le droit à la ville pour tous restera sans doute un projet intéressant mais irréaliste. Malgré cela, donner les clés de la participation au plus grand nombre contribuera à mettre dans le creuset de la réflexion des nouvelles voix à prendre en considération. Et qui sait, avec l’aide de politiciens « vertueux », une chimère pourrait s’envoler ?

Guido Vanderhulst : On veut rire sans doute. Qui a droit à la ville ? Faut-il parler de droit alors que forcé, contraint ou volontaire, on utilise la ville depuis toujours sans devoir, pour la plupart, démontrer ses droits d’y être. C’est quoi la ville ? La littérature surabonde pour y répondre. Mais les questions continuent de devoir être posées. C’est la place de l’homme qui n’est pas toujours privilégiée. La ville est un corps vivant qui s’étend, se change, prend des formes multiples, a des noyaux durs incompressibles, se réduit rarement sauf pour faits de guerres. Des strates se superposent, la ville se construit sur la ville, comme sur un immense cimetière de réalités humaines, de réalisations de la main de l’homme. La ville a perdu sa mémoire. C’est surtout le lieu d’un rapport de forces absolument inégal entre ceux qui en font usage, essayent d’y faire leur trou, d’y établir leurs réseaux de survie et d’amitiés, et ceux qui morcellent et marchandent la ville, font croire et démontrent que rien de la ville n’est acquis, que tout est dû, que tout doit s’acheter. La ville c’est un laboratoire exceptionnel de valeurs. Là explosent ou se noient les plus belles figures, les plus chaleureuses solidarités, les plus belles rencontres, les plus délicates tendresses.

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