La Région bruxelloise est confrontée à toute une série de lieux de prostitution. Il est dès lors difficile pour les communes de gérer l’activité. Nous avons vu, au travers de certains exemples à propos de Bruxelles-Ville et des communes de Schaerbeek et Saint-Josse, que d’un point de vue politique et institutionnel la gestion en la matière est complexe et délicate. Au niveau de la politique fédérale, la thématique de la prostitution a aussi été l’enjeu de débats et de réflexions au sein de différents partis, avec pour résultat, des conflits d’opinions de mandataires politiques et sans aucune position d’un parti clairement défini. Lors du gouvernement Verhofstadt II en 2003, une des priorités était : « il sera mis fin à l’insécurité sociale et juridique des personnes prostituées »2. Suite à cela, certains partis politiques ont voulu réfléchir à la question de la prostitution. Le PS, Ecolo et le MR ont rencontré les associations Espace P… et Entre deux3. Suite à cela différentes propositions de lois ont été déposées par certains politiques. Ainsi Madame Anne-Marie Lizin du PS déposa une proposition de loi visant à pénaliser le client de personne prostituée ; Monsieur Philip Monfils du MR proposa une libéralisation totale de l’art 365 du code pénal ; Madame Dominique Braeckman d’Ecolo, proposa la pénalisation du client de personnes prostituées victimes de la traite des êtres humains, etc. Mais au sein d’aucun des partis, il n’y eu de conciliation et d’avis unifiés, pour répondre à l’insécurité sociale et juridique des personnes prostituées. Cet exemple montre la complexité et la difficulté de trouver un accord commun au sein d’un même parti quant à cette question. Et plus récemment, en 2008, les ministres en charge de la mobilité, Pascal Smet et Evelyne Huytebroeck, au niveau de La Région de Bruxelles-Capitale, ont réalisé une cartographie de la prostitution en vue de réfléchir à une harmonisation de la gestion de la prostitution au sein de la capitale de l’Europe. Une des conclusions à laquelle l’étude arrive est la suivante : « la problématique des nuisances est surtout importante pour les formes publiques de prostitution et en particulier lorsque ces dernières se situent près de quartiers fortement peuplés. Le problème est particulièrement aigu dans la prostitution de rue, qui a lieu entièrement dans l’espace public. Les carrousels de voitures, le comportement incivique et bruyant de certaines prostituées, les déchets et les excréments dans la rue, et le sexe dans l’espace public constituent l’essentiel des plaintes. Les nuisances supplémentaires peuvent subvenir par l’activité des « casseurs » et des dealers. Dans le cas de la prostitution en vitrine, les plaintes sont notamment dues aux nuisances sonores et de stationnement. Les plaintes à l’encontre des prostituées sont surtout d’ordre moral (manière de s’habiller, etc.). La prostitution de rue et les formes privées de prostitution homosexuelle sont plus discrètes et les nuisances liées sont limitées et sporadiques.4 » Cette étude n’a eu aucun impact, tant au niveau régional que communal, en matière d’organisation de la prostitution bruxelloise. Plus récemment, en mai 2011, le CDH a sorti une note politique se positionnant favorablement pour la pénalisation du client de prostituée. Céline Fremault5, députée au Parlement bruxellois, a expliqué dans les médias la position commune du CDH en matière de gestion de la prostitution. Un plan de réinsertion des prostituées sur trois ans !6 Cette proposition n’a pas été suivie par les autres partis politiques. En lien certainement avec le contexte politique belge actuel, cette position en matière de la prostitution n’a pas fait de long débat au niveau du Parlement bruxellois. Ceci étant, le parti Ecolo est occupé à se pencher sur la question de manière plus approfondie et cherche un positionnement à propos de la création d’un Eros-center à Liège. En effet, le bourgmestre a fait fermer les salons7 de prostitution en 2008, depuis il envisage de construire un Eros Center qui accueillerait les prostituées8. Depuis la déclaration de la députée CDH, Ecolo investigue en vue de se positionner sur la question. Il apparaît donc clairement que les politiques occupent une place importante dans la gestion et la décision de l’exercice de cette activité dans l’espace public. Les nuisances, les troubles que celle-ci occasionne ne vont pas sans mal pour les habitants, les commerçants, et les gens de passage. Mais c’est aussi un bienfait que l’activité génère, ce qui est souvent oublié. Il y a une forme de contrôle social entre les travailleurs du sexe qui est une sécurité dans leur activité mais également pour les habitants du quartier. En effet, lorsque certains rentrent tard, le fait de voir des personnes connues les rassurent et il n’est pas rare de voir des habitants dialoguer avec les prostituées en rue, ou à travers les vitrines. Mais ces sentiments de sécurité et de contrôle social au sein de l’espace public sont beaucoup moins entendus par les instances politiques. Le constat effectué depuis plusieurs années par Espace P… est qu’il faudrait instaurer une zone P, un lieu de tolérance dans laquelle la prostitution de rue pourrait exister sans être constamment importunée. Au vue des différentes actions mises en place par la commune pour lutter contre la prostitution de rue, le résultat obtenu est que les personnes prostituées continuent à exercer dans le même quartier et que lors de contrôles intempestifs, elles se mettent plus en danger en allant faire les passes dans les voitures, dans des parkings sauvages et s’exposent donc à plus de risques en terme de santé publique et de violence. Mais, pour arriver à une telle décision il faudrait que les politiques développent une harmonisation en matière de gestion de la prostitution et ouvrent le dialogue avec les associations de terrains. Ce qui ne se fait pas toujours aisément, cela reste variable d’une commune à l’autre et rare. En effet, certaines sont pour une ouverture du dialogue et d’autres s’y refusent totalement. Les gestions mises en place sont influencées par une volonté de ne pas prendre le débat à bras le corps. Entamer une réelle table ronde sur la reconnaissance de l’activité comme profession, viendrait ébranler les représentations fortement associées à une prostitution négative et déshonorante. Cela équivaudrait également à montrer une certaine acceptation de la prostitution par la société moderne. Or, la reconnaître induirait immanquablement une modification des représentations véhiculées dans la mise en image du travail du sexe. En effet, la majorité du temps, les médias abordent ce sujet en termes de violence, de déshonneur de la femme prostituée, de proxénétisme… Les images dans lesquelles nous évoluons ont une place importante dans l’idée que l’on peut se faire de cet univers, dont l’image et la mise en image, fait partie intégrante de l’activité.
Espace P