A l’origine de cette initiative, le collectif Disturb, principalement composé d’architectes et d’urbanistes, dont les membres sont excédés par le déroulement de certaines commissions de concertation. Décisions vécues comme arbitraires, retards, réactions Nimby des riverains, manque de dialogue, conflits d’intérêts, autant de raisons selon ceux-ci pour réclamer une profonde réforme du système.
La Cambre et le Bral ont rejoint Disturb pour proposer à Emir Kir, en charge de l’urbanisme au niveau régional, une étude sur le sujet. Au terme d’une vingtaine d’interviews, un texte de recommandations fut proposé aux participants de la table ronde. IEB vous livre aujourd’hui une chronique des débats ainsi que ses propres questionnements et recommandations.
Des petits et des gros projets ?
Une critique récurrente de certains acteurs porte sur le déroulement pratique des commissions de concertation. Les petits comme les gros projets sont traités indifféremment, provoquant retards, surcharge de travail pour les fonctionnaires et pertes de temps pour les demandeurs. Il est vrai que l’effet de routine créé par la surcharge procédurale peut s’avérer nuisible à la vitalité démocratique de la procédure et créer une rigidité qui pèse sur la dynamique des débats.
C’est pourquoi une des propositions déposées sur la table fut de confier à un groupe de travail le soin de déterminer des critères permettant de distinguer les projets suivant leur importance, la nature du demandeur (public ou privé), le public concerné (régional ou local), le degré de dérogation par rapport à la norme et l’impact sur l’environnement urbain. Aux projets importants une procédure approfondie, aux autres une procédure simplifiée conservant l’enquête publique mais supprimant la commission de concertation.
Comme on pouvait s’y attendre, de nombreuses voix, y compris celle d’IEB, se sont opposées à cette proposition. Si les communes et les administrations régionales aimeraient se voir soulagées d’une partie de la charge occasionnée par les commissions de concertation, la majorité des acteurs présents se sont montrés très attachés à l’utilité de la procédure de concertation quitte à simplifier le contenu des dossiers pour des petits projets.
Mais la volonté de distinguer les grands des petits projets pose en outre la question de la pertinence des critères choisis et des risques de contournements que peut induire l’existence de seuils. Par exemple, l’obligation de réaliser une étude d’incidences pour les projets de parking dépassant le seuil de 200 emplacements conduit les demandeurs à fractionner un grand projet pour échapper à la procédure d’étude d’incidences.
Pour IEB, les choses sont claires : la procédure souffre plus d’un déficit sur les « gros projets » . Il est donc impératif de conserver les pratiques actuelles pour les petits projets, amendables à la marge pour les travaux de minime importance. Il est important pour les fonctionnaires siégeant en commission comme pour le public, de pouvoir observer les tendances des petits projets. Une multiplication de petits projets aux caractéristiques communes peut constituer un problème d’envergure régionale (ex : la multiplication des sucettes publicitaires en dérogation au RRU). De même, la procédure de publicité concertation doit s’appliquer à tous, sans distinction entre un promoteur public ou privé, par exemple. Enfin, la procédure doit être pensée pour tous les publics et multiplier les possibilité pour ceux-ci de s’exprimer. Supprimer la procédure de concertation revient à imposer une procédure écrite, ce qui revient à exclure de nombreux habitants des quartiers populaires.
Non seulement il faut maintenir la commission pour tous les cas déjà couverts actuellement mais des commissions de concertation devraient également être obligatoirement prévues avant l’adoption de plans communaux de stationnement, de plans communaux et régionaux de mobilité,... et de partenariats publics-privés (voir encadré) !
Reste à déterminer à partir de quand un projet est suffisamment « grand » pour bénéficier d’une procédure renforcée... Une solution serait peut-être de remettre au goût du jour le certificat d’urbanisme (CU), amputé de certaines parties trop lourdes à ce stade de la procédure comme les plans du réseau d’égouttage ou les performances énergétiques. Le CU reprendrait des considérations telles que l’affectation, la volumétrie générale et resterait bien sûr soumis à enquête publique, mais donnerait au demandeur un cadre plus précis pour son projet définitif, sans pour autant engager les parties sur l’issue de la demande finale.
Encadré Soumettre les contrats des partenariats "public - privé" à l’enquête ?
En temps de disette budgétaire, lorsque les pouvoirs publics doivent consentir de lourds investissements, la tentation est grande de conclure des partenariats public-privé (PPP). Le PPP est un mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant un service public. Un principe directeur du PPP est que les pouvoirs publics partagent avec le privé le risque de l’investissement. Une étape capitale du PPP, c’est le contrat. Celui-ci devrait faire l’objet d’un débat public avant signature et donc être soumis à enquête publique. Car à Bruxelles, quand la gestion de l’eau (via Aquiris) ou des vélos en libre service (via Decaux) pose un problème, c’est toujours le public qui paie !
De l’interdisciplinarité de la commission de concertation
Dans le même chapitre, il fut proposé de cantonner les membres de commissions de concertation à leurs spécialités. Exit le représentant de la direction des monuments et sites si l’on ne parle pas de patrimoine ou celui de la SDRB dans une zone réservée au logement. Cette proposition a été recalée par une grande majorité des intervenants : l’urbanisme, c’est une réflexion interdisciplinaire et globale sur la ville. La commission de concertation est un pari sur une forme d’intelligence collective où chaque membre doit pouvoir interagir en opposant une vision élargie de l’urbanisme.
Il serait précieux, de ce point de vue, que les experts fassent obligatoirement part de leur avis dans la phase publique de la commission et non dans le cadre du huis-clos comme c’est le plus souvent le cas actuellement.
Encadré Faut-il maintenir le huis-clos des délibérations de la commission de concertation ?
L’avis des intervenants va majoritairement dans ce sens. Pourtant, la commission de concertation, pensée dans le cadre plus large de la démocratie urbaine, pourrait être considérée comme un lieu d’apprentissage où demandeurs et riverains ont tout intérêt à comprendre les rapports de force qui la constitue ainsi que les raisons profondes d’une décision. Mais l’idée fait débat, y compris au sein d’IEB ! Les fonctionnaires, eux, la voient également d’un mauvais œil, à cause de la peur de se voir soumis à des pressions importantes. Une vraie question qui en appelle une autre : un fonctionnaire doit-il obéir aux injonctions d’un ministre de tutelle, parfois à l’encontre des principes du bon aménagement d’un lieu ou du respect des règles ? Des lobbyings importants s’exercent bien en amont de la concertation et seuls une petite part de ceux-ci est parfois perceptible lors de la réunion de la commission. Encourager les membres de la commission à s’exprimer en public avant le huis-clos, pour expliciter leurs positions est une façon de mettre partiellement à jour ces colloques singuliers qui se tiennent en amont.
Éthique et déontologie
Faut-il encadrer, voire favoriser les consultations préalables entre les demandeurs et les autorités délivrantes ? Pour IEB, ces échanges sont utiles pour rappeler les règles et définir les marges d’action. Mais toute dérogation ne peut être négociée dans les bureaux d’une administration ou d’un ministère. Ces questions doivent pouvoir se débattre en public. Les demandes de dérogation ne peuvent se limiter à la motivation du "bon aménagement des lieux", formule vague qui vide largement de son intérêt la procédure de concertation. Les avis devraient toujours englober les arguments soulevés en réponse aux objections des participants à la commission de concertation et faire apparaître plus nettement les divergences d’opinion. Trop souvent, on sent l’avis pré-rédigé, ramenant en ce cas la procédure de concertation à un jeu de dupes. Il s’agit en définitive d’objectiver et de rendre palpable toute cette part de l’informel qui a son sens et son utilité mais qui ne peut prendre le pas sur les garanties démocratiques.
Tout le monde s’accorde en tout cas sur le fait que le rôle des différents membres de la commission de concertation devrait être clairement défini et présenté en séance publique de façon à permettre aux participants de saisir la nature des arguments avancés ainsi que les rapports de force qui président à l’avis.
Autre question soulevée : faut-il remplacer le président de la commission de concertation par une personne extérieure, neutre ? Cette proposition a suscité les commentaires amusés d’un bon nombre des participants. Le mythe de la neutralité fut rapidement déconstruit et le rôle politique du président de séance rappelé. In fine, l’échevin de l’urbanisme rend des comptes, au minimum à l’occasion des élections. Souvent, dans la presse, interpellé par les comités d’habitants ou les associations spécialisées... Reste que la question garde sa pertinence sur un plan éthique lorsque la commune est demanderesse.
De nombreux dossiers arrivent encore incomplets à l’enquête publique. L’obligation de fournir une vue axonométrique du projet, pourtant imposée par voie d’ordonnance depuis peu, semble être peu appliquée. Alors faut-il former les acteurs ? Un code de conduite professionnelle pour les fonctionnaires ou les architectes, une formation à certains aspects techniques liés à l’urbanisme, voir à la conduite de réunions publiques pour le président sont des propositions qui n’ont pas rencontré de profondes réticences.
Encadré Jurisprudence ou observatoire ?
L’idée de créer une jurisprudence des avis de commissions de concertation fut déposée sur la table. IEB l’a battue en brèche : les besoins de la ville changent. Un projet bon pour la ville il y a 30 ans ne l’est plus forcément aujourd’hui. Il est par contre essentiel de pouvoir observer les tendances des avis rendus. Il existe déjà l’observatoire des bureaux, celui du logement se développe également. Ces institutions se basent notamment sur les données des permis délivrés, souvent sans concertation avec une redondance de travail. Il est temps d’offrir aux administrations ainsi qu’au public intéressé une base de données statistiques fiables livrant l’évolution des tendances concernant tant le déroulement des commissions de concertation que les permis délivrés. Le système NOVA, développé par la Région pour permettre aux demandeurs de suivre le processus d’instructions de leurs demandes de permis, pourrait être élargi avec les quelques données supplémentaires nécessaires à une évaluation des procédures et à l’évolution des tendances.
Une garantie démocratique : transparence des procédures et décisions
Un large écart est observé entre les textes légaux encadrant la procédure de concertation et son application : délais non respectés, affichage insuffisant, dossiers incomplets,... Le parcours d’accès à l’information liée aux enquêtes publiques est parsemé d’embuches pour le citoyen qui se lance dans l’aventure, sans compter le manque de lisibilité de certaines règles et leur application très disparate au sein des 19 communes. Il y avait donc autour de la table un large consensus sur la nécessité de mieux informer les citoyens. La création d’un guichet régional centralisant les informations et règles génériques obligatoires dans le cadre d’enquêtes publiques fut approuvée par tous. Ce guichet pourrait proposer aux acteurs les services d’un ombudsman chargé de recueillir les plaintes et suggestions.
En vrac, de nombreuses propositions d’amélioration furent évoquées : la mise à disposition systématique des dossiers sur un site internet centralisé, un prix régulé et minime pour les prises de copie des dossiers , des annonces présentées dans un langage compréhensible pour tous, une axonométrie qui donne une idée de l’implantation du projet dans son environnement, la communication systématique des avis et des procès-verbaux de commission (qui reproduisent fidèlement les remarques faites), la communication de la délivrance du permis aux personnes qui ont pris la peine d’intervenir en commission de concertation et last but not least : la présentation systématique, en début de réunion, des avis écrits des riverains qui n’ont pas pu se rendre à la commission.
Encadré Harmoniser les pratiques des communes
Les disparités de pratiques entre les communes reviennent régulièrement dans le débat. Des prix de photocopies qui varient de 1 à 50, voire l’impossibilité d’obtenir une copie du dossier, le zèle de certaines communes pour empêcher le libre accès aux dossiers, la mauvaise qualité de l’affichage des avis d’enquête, des avis pas toujours disponibles sur internet, des commissions bâclées sans aucun dialogue, autant de raisons de pousser les communes à échanger leurs bonnes pratiques et la Région à imposer rapidement une harmonisation des pratiques communales.
Laisser le temps à la mobilisation citoyenne de surgir
Aucune des propositions mises sur la table n’abordait la question des délais drastiques imposés pour mener cette procédure. Tant du côté des citoyens que du côté des fonctionnaires communaux, disposer de délais plus adaptés permettrait pourtant, aux premiers, de mieux s’organiser et de venir en concertation avec une position collective et des arguments plus pertinents (car moins nymbistes et moins émotifs), et aux seconds, de mieux pouvoir s’en tenir aux prescrits légaux grâce à un calendrier plus raisonnable. Quant au demandeur, ce n’est pas la prolongation du délai d’enquête d’une ou deux semaines qui devrait modifier fondamentalement sa situation.
N’est-il pas étrange que des dossiers concernant la construction de milliers de mètres carrés de logements ou de bureaux soient soumis à un délai d’enquête deux fois plus court qu’un aménagement de voiries ? La brièveté du délai empêche les associations de disposer d’un temps suffisant pour éclairer les citoyens sur les enjeux en cours et leur permettre de s’organiser en connaissance de cause et de développer des positions critiques et éclairées. Cette organisation ne pourrait qu’améliorer la qualité des interventions en commission de concertation. L’urgence actuelle restreint les capacités d’apprentissage à la démocratie urbaine.
Prendre les choses en amont ?
Une des évolutions récentes des procédures de consultation d’habitants est la tentative de développer des dispositifs plus en amont pour éviter l’émergence de critiques à un état avancé de la procédure alors qu’elles auraient pu être désamorcées plus tôt. A cette fin, une des recommandations sur la table prévoyait d’organiser, pour les grands projets, des réunions d’information durant lesquelles chaque citoyen pourrait venir avec ses questions ou demander des précisions. A l’heure actuelle, ces réunions d’information sont organisées le plus souvent au petit bonheur la chance selon le bon vouloir de la Région, de la commune, voire de promoteurs. Si une meilleure information en amont ne peut que nourrir la qualité du débat sur des projets d’importance, il importe qu’elle soit fournie par une instance maîtrisant la grande échelle et l’impact du projet sur l’ensemble du territoire régional. L’Agence de développement territorial pourrait trouver ici une fonction utile. Ces réunions doivent garder un statut informatif, préalable nécessaire à des débats ultérieurs, les habitants n’étant pas suffisamment outillés à ce stade pour s’embarquer dans des négociations.
Autre risque : la place prépondérante de l’informel dans les phases en amont au détriment des garanties formelles. La déformalisation favorise en effet ceux qui maîtrisent le mieux les codes informels et affaiblit ceux qui ne sont pas dans le cercle des initiés. Si le formalisme fatigue certains, c’est oublier que les arguments formels souvent utilisés par les associations ou les habitants, lesquels peuvent parfois sembler tatillons, sont une stratégie légitime pour se faire entendre quand ils n’ont pas été écoutés sur le fond. Soulever l’absence du rapport du SIAMU ou la mauvaise traduction de l’enquête publique n’est pas une fin en soi mais parfois un moyen de s’attaquer au fond du projet.
La commission de concertation doit-elle devenir un lieu de consensus ?
Pour certains acteurs, il faudrait intégrer dans la commission de concertation les consensus obtenus dans des processus de participations (tels que les schémas directeurs, contrats de quartier) qui se sont tenus en amont du projet. Ce point de vue vide la commission de concertation de toute conflictualité, et ce sans aucun contrôle sur la manière dont le consensus s’est construit en amont. Il va de soi qu’IEB s’oppose à ce que la concertation se transforme en un lieu de validation des consensus. Par contre, une meilleure articulation des différents stades de procédure est primordiale. On a trop souvent l’impression d’assister à des procédures qui avancent sur des voies parallèles sans jamais se rencontrer. Ce qui a été consigné de part et d’autre lors des procédures en amont doit être rappelé sans pour autant cadenasser les possibilités de renouvellement du débat.
De même, aussi large soit le périmètre du projet concerné par le processus de participation, les débats en amont risquent de rester locaux. Or, les gros projets ont un impact régional qui mérite l’intervention de la société civile issue de l’ensemble de la Région. Seule la commission de concertation peut le garantir, quel que soit le consensus obtenu dans la concertation locale.
Atteindre tous les habitants
La question du profil des habitants présents dans les concertations a été abordée de façon très incidente. Une des propositions faites était de prévoir des annonces "personnalisées" afin de sensibiliser des publics plus difficilement accessibles et de leur donner la possibilité de jouer un rôle durant les commissions de concertation.
Pour IEB, cette question est centrale si on ne veut pas que la construction de la ville reste aux mains et au profit d’une élite. Utiliser un langage clair et moins jargonnant, assortir les documents de plans lisibles à dimension d’une photocopieuse, distribuer des toutes-boîtes pour les projets importants et organiser des soirées d’information devraient être des évidences. Rendre les débats plus politiques et moins techniques ne pourrait que servir la cause démocratique. Pour le surplus, il appartient sans doute à des associations comme IEB de s’interroger sur leurs pratiques et leurs alliances pour ouvrir la question du droit à la ville au-delà d’un cercle restreint de privilégiés.
Encadrés Les PPAS du quartier Midi : le déni démocratique
La procédure n’a jamais brillé par sa transparence à Saint-Gilles dans les dossiers liés au devenir du quartier Midi. Encore tout récemment la commune de Saint-Gilles n’a pas hésité à faire un nouvel affront au débat démocratique. En effet, alors que la commune mettait à l’enquête publique une demande d’abrogation de PPAS pour faciliter les projets de tour d’un promoteur privé, quatre associations et deux comités d’habitants soucieux de réagir, eurent toutes les peines du monde pour obtenir le rapport motivant l’abrogation. Quant à l’avis de concertation, il est tombé laconique et à la limite de l’insulte pour les participants à la concertation. Alors que les associations et comités s’étaient relayés pendant près d’une demi-heure pour faire état de leurs griefs, aucune de leurs remarques ne fut mentionnée dans l’avis et, a fortiori, aucun argument en réponse à ceux-ci évoqué.
Rue du Progrès : les expropriés n’ont qu’à savoir En 2005, plus de 200 habitants de la rue du Progrès apprenaient qu’ils risquaient d’être expulsés de leur quartier et de leur lieu de vie en raison d’un projet d’infrastructure ferroviaire envisagé par Infrabel. La concertation sur le projet ferroviaire s’est tenue 4 ans plus tard après une longue procédure liée à l’étude d’incidences. Les 200 habitants risquant de perdre leur habitation dans l’affaire ne furent informés, comme tout quidam, que par la traditionnelle affichette rouge sur le trottoir. Nul besoin de mentionner que plusieurs de ces habitants parlent mal le français ou le néerlandais et savent encore moins le lire. Ce genre de situation nécessite la mise en oeuvre de moyens spéciaux : une implication rapide et continue des services sociaux de la commune, des réunions régulières organisées pour les habitants, des contacts réalisés par du porte-à-porte sont autant de voies à explorer en parallèle.
Le dossier Villo à Bruxelles Ville : Decaux au-dessus des lois
En 2009, la commission de concertation de la Ville de Bruxelles rendait un avis largement favorable à la demande de permis d’urbanisme de la Région pour le développement du projet « Villo » et de ses 57 stations vélos sur le territoire de la Ville. Alors que la demande de permis portait sur un projet conséquent, posant un certain nombre de questions urbanistiques d’importance (notamment de nombreuses violations du titre VI du RRU consacré à la publicité et aux enseignes), quel ne fut pas l’étonnement d’IEB de réceptionner, une heure à peine après son audition, l’avis de quatre pages de la commission de concertation. Peut-on raisonnablement considérer que la commission ait pu, en l’espace d’une heure, procéder à une délibération, notamment sur les éléments portés à sa sagacité, et que l’administration ait eu le temps de rédiger un avis passant en revue les 57 stations concernées ? Peu probable ! L’avis ne répondait d’ailleurs pas à la majorité des interrogations soulevées. IEB est actuellement en recours contre ce permis.
Tour et Taxis : Les habitants ont été consultés et ... niés
La réflexion autour de l’aménagement du site de Tour et Taxis a commencé fin des années 1980 avant l’abandon progressif des activités de stockage et de douane sur le site. En 2001, Tour et Taxis passe aux mains d’un promoteur privé. Région et Ville de Bruxelles ont du mal à s’entendre sur l’avenir du site et la région lance en 2006 un schéma directeur visant à aboutir à un accord entre les différentes parties. Un volet participatif, souvent cité en exemple, sera lancé en parallèle du processus qui s’étalera sur trois longues années. L’investissement des habitants du quartier sera considérable, mais au bout du compte la lassitude et l’essoufflement gagne la plupart d’entre-eux. Pire, ils se retrouvent contraints dans une sorte de marchandage d’accepter le projet du promoteur en échange de quoi ils reçoivent la promesse de la création d’un grand parc ouvert sur le quartier. Non seulement le résultat final du schéma directeur s’avère décevant, mais il sera en outre battu en brèche par le promoteur qui introduit en 2007 une demande de permis unique pour l’ensemble du site. Le schéma directeur n’ayant aucune valeur contraignante, ce qui semblait issu d’un compromis entre l’intérêt du promoteur (une densification maximale du site) et l’intérêt commun (et donc celui des habitants du quartier à savoir : un grand espace vert, une ouverture du site, le renforcement des fonctions faibles de la ville : écoles, crèches, logements sociaux,...) se dilue encore un peu plus. Le rapport de force n’est pas égal et le promoteur met sur la table un projet qui rogne considérablement les faibles acquis des habitants. Au final, le processus participatif mené en amont de l’enquête public à l’occasion du schéma directeur aura contribué à démobiliser la majeure partie des habitants du quartier.
Encadré "ARAU" Les Bruxellois ne doivent jamais oublier que la commission de concertation constitue leur principal acquis : c’est la voie d’une ville démocratique. Elle permet de contrôler les dérogations aux plans et règlements. C’est-à-dire d’examiner les entorses aux principes promis à la population de Bruxelles. L’enquête publique permet de prendre connaissance des projets avant leur mise en oeuvre. Cette procédure est unique en Europe et a généré une qualité spécifique de débat sur la ville. Pour l’ARAU, aucune régression n’est acceptable. Certes, de nombreuses améliorations sont possibles, en particulier dans le domaine de l’uniformisation à la hausse de l’accès à l’information, dans la formation des participants aux principes et objectifs de la concertation, dans son organisation pratique, dans son extension aux milieux plus populaires. La concertation est une procédure (la loi protège le faible et contraint le fort). Elle a un caractère ouvert (quiconque peut demander à être entendu), formel (il y a un procès verbal), public (c’est le lieu de dialogue sur le projet et sa place dans la ville), où la parole est prise en compte (pas seulement l’écrit). Or des idées circulent (dans certains milieux politiques et de l’architecture) qui visent à la rendre plus fermée, informelle, écrite, restreinte aux enjeux locaux ou aux "petits projets". Cela aboutirait à la dénaturer et à la vider de son sens. Cela constituerait une vraie régression (comme celle qui a vidé la pétition patrimoine de son sens, sous le précédent Gouvernement).
Isabelle Pauthier, Directrice de l’ARAU