Les années inexpérimentales
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EDITO

Les architectes : d’un asservissement à l’autre

lundi 5 décembre 2011, par Claire Scohier, Mathieu Van Criekingen

Rappelez-vous, en 2007, juste après l’adoption du PDI (Plan de Développement International), une grande campagne de communication était lancée par le collectif Disturb, pour le compte de la Région. Son intitulé : "Qui construit Bruxelles ?"

Deux ans plus tard, la Région nous donne la réponse en organisant l’exposition « Construire Bruxelles », à Bozar. L’exposition adopte pour postulat que l’architecture et l’urbanisme sont bien plus que des questions d’esthétique ou de règlements mais, nous dit le livret, « constituent quelques uns des instruments politiques les plus concrets et privilégiés pour apporter un réponse aux grands problèmes de société actuels ». Enfin une reconnaissance du fait que l’architecture et l’urbanisme sont des questions avant tout politiques. Mais, d’un asservissement à l’autre, voici maintenant l’architecte profilé en héros, hors d’atteinte, au-dessus de la mêlée. Depuis l’entrée dans le XXIe siècle, il est vrai, les architectes ont la cote, et on ne compte plus leurs grands « gestes » dans les villes européennes. Longtemps décrié comme acteur au service des promoteurs immobiliers, l’architecte paraît aujourd’hui élevé au rang de garant de la bonne gouvernance urbaine : un bon projet d’un bon architecte choisi après un bon concours ne peut être que bon pour tou(te)s. Les Nouvel, Portzamparc et autres sont les nouveaux sésame-ouvre-toi des promoteurs, privés ou publics. Dans le même temps, pourtant, la démocratie urbaine reste en panne, les pouvoirs publics font des PPAS sur mesure (la tour Premium au Pont des Armateurs) ou les abrogent (le projet Victor, derrière la tour du Midi) selon le bon vouloir des promoteurs. Et nul ne dit combien de quartiers défigurés ou vidés de leurs habitants vont encore payer leur tribut à la nouvelle architecture, et par elle à la politique du marketing urbain.

Quant à la scénographie de l’exposition, elle est à l’image de ce que l’habitant peut ressentir devant la maquette qui transforme son lieu de vie en un espace statique, froid comme un lit d’hôpital. L’exposition ne dit rien sur l’impact réel de tous ces projets « exemplaires », sur la manière dont ils sont vécus, utilisés, appropriés (ou pas). En plus, la rigueur n’est pas au rendez-vous. L’exposition est truffée d’approximations, de légendes tronqués et d’erreurs factuelles. Dans la salle consacrée à la démographie, par exemple, on nous apprend que la population bruxelloise est amenée à s’accroître de 60 à 82.000 habitants PAR AN, soit six fois plus qu’annoncé par les analystes. Un emballement cachant un irrésistible désir de tours ? Dans la salle concernant la mobilité, on affirme que le métro de Porto, si exemplaire, si agréable, est en grande partie souterrain. En réalité, 80% de son trajet est en surface. Une façon inconsciente d’enterrer les transports publics bruxellois ?

A vrai dire, du point de vue des membres d’IEB qui ont sillonné l’exposition, on ne voit pas bien comment la somme des projets architecturaux réunis là va pouvoir répondre aux problèmes sociaux, pardon aux « défis » de Bruxelles. Le plus prégnant est sans doute celui de la dualisation sociale, à la fois aggravé et occulté par le city marketing auquel s’associe le nouvel architecte-héros de notre temps. L’équipe d’IEB

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