Après une âpre lutte pour conserver le foyer d’art de Marcel Hastir, voici le point sur la situation de ce lieu culturel dans un quartier perpétuellement menacé par l’extension des bureaux, tel que nous le livrent Roland Schmid et Marie Baudoux.
Les deux animateurs bénévoles de l’asbl Atelier Marcel Hastir évoquent le mouvement citoyen lancé en 2002 pour empêcher la démolition de trois immeubles parmi lesquels se trouvait l’atelier du peintre. « Une première mobilisation appuyée par une pétition de 600 signatures a réussi en 2002 à sauver l’immeuble et les maisons mitoyennes. »
« Par la suite, rappelle R. Schmid, l’ancienne asbl de Marcel Hastir a été remise sur les rails et a rallié des membres tout à fait convaincus qu’il fallait s’engager pour ce lieu. Bientôt, 150 personnes constituaient la force humaine pour aller de l’avant. Le propriétaire, la Société Théosophique, voulait vendre et expulser Marcel Hastir et son asbl. Il fut néanmoins convenu devant le juge que tant que Marcel Hastir serait en vie, lui-même et l’asbl auraient le droit de rester dans les lieux. »
Mais l’asbl visait aussi la reconnaissance de l’atelier comme lieu de mémoire et de culture et demanda à cette fin le classement du bâtiment. Ceci fut acquis en 2006. Et à la demande du vieux peintre, l’asbl fut chapeauté par une Fondation d’utilité publique du même nom.
Comme la menace d’une vente et d’un achat hostile continuait à planer, cette Fondation chercha des ressources pour l’acquisition du bien et obtint finalement que des fonds Beliris, joints à sa propre contribution, permirent à la Ville de Bruxelles d’acquérir l’immeuble. En échange de sa contribution à l’achat, la Fondation Atelier Marcel Hastir a reçu depuis octobre 2010 un bail emphytéotique.
A partir de ce moment commence pour l’asbl et la Fondation une nouvelle phase pour améliorer le cadre dans lequel se poursuivent les activités de l’Atelier Marcel Hastir. Après le combat contre la spéculation, la phase suivante est la restauration des lieux. Mais les fonds nécessaires manquent cruellement.
C’est pourquoi R. Schmid estime qu’une partie des charges d’urbanisme générées par la construction de bureaux devrait avoir des retombées sur le logement, les espaces verts et les lieux collectifs -comme l’Atelier Marcel Hastir- dans le quartier européen. « S’il est compréhensible que la majorité de ces charges doivent aider les quartiers anciens à sortir de leurs difficultés, une petite partie de ces ressources permettrait aussi de relancer la vie et la mixité dans le quartier européen. »
Marie Baudoux signale que « L’Atelier Marce. Hastir continue à accueillir des cours de dessin et de peinture de nus, mais aussi des cours de musique et de danse. Il offre surtout des concerts de qualité dans un endroit empreint de l’esprit « Hastir », c’est-à-dire un lieu sans hiérarchie entre les artistes et le public, une salle qui permet une rencontre conviviale après le concert. De plus, ces activités contribuent, les dimanches après-midis, à rendre le quartier plus vivant - ainsi, le restaurant voisin ouvre souvent ce soir-là. »
Mais une synergie avec d’autres lieux culturels du quartier est elle possible ? Pour M. Baudoux, « D’autres lieux existent, ouvrant généralement en semaine : le Maria Clara (salle d’exposition, rue de Pascale), la Dolce Vita, rue de la Charité, ou encore le Goethe-Institut. Mais il n’y a pas de collaboration structurelle ».
R. Schmid ajoute que « des lieux comme celui-ci attirent leur voisins immédiats. Par exemple, tous nos voisins sont souvent ici parmi nous parce qu’ils sont attirés par Marcel depuis des années. Mais un réseau de voisins plus étendu n’existe pas. Ce serait cependant utile d’atteindre d’autres parties du Quartier Léopold. Le lieu où M. Hastir a formé de jeunes peintres s’inscrit dans la tradition des ateliers d’artistes qui a marqué le quartier. »
C’est pourquoi, en regard des expériences réalisées par les Ateliers Mommen et par la Fondation des Artistes sans Frontière (voir articles pp.XXX), il est possible de rêver au développement d’un réseau d’ateliers où les artistes habiteraient et transmettraient à des plus jeunes leur logement-atelier. Mises en réseau, ces expériences gagneraient de la visibilité.
R. Schmid reste prudent par rapport à des rêves impossibles. « Le principal est d’agir là où il y a encore des bribes de l’ancien bâti et de le sauver, comme ce fut le cas avec ces trois maisons. Il ne faut pas rêver, mais s’organiser pour que les choses fonctionnent autrement. Pour continuer à assurer une dynamique dans le quartier, il faut créer de l’animation le soir, mais aussi répondre à d’autres demandes des habitants, comme tout simplement celle d’avoir plus d’arbres dans les rues. »
Marie Baudoux insiste sur le retour des habitants pour remplacer les bureaux. « Sauvons les habitants qui souffrent du caractère inhumain et du froid des lieux et qui sont forcés à vivre dans l’isolement de ce petit archipel. »
Le quartier européen ne s’en sortira pas tout seul. L’attention doit être maintenue pour casser la monofonctionalité d’un quartier composé à 85% de bureaux. D’où le besoin de financer les initiatives qui maintiennent les parcelles de vie pour les habitants et d’autres fonctions, notamment les lieux culturels, qui font vivre un quartier urbain. « Il est important pour la survie de quartiers habités, conclut Roland Schmid, de garder les petites racines de vie comme l’Atelier Marcel Hastir ».